Arabes vs Kabyles
Ce qui me gêne un peu dans les débats sur l’identité nationale, c’est juste le fait qu’on a trop tendance à opposer les « kabyles » et les « arabes » algériens. Alors que, compte tenu de NOTRE histoire commune, on devrait plutôt parler de « berbérophones » et « arabophones ».
Comme je suis gêné de ne pas voir d’opposition entre la langue berbère et la langue française que Kateb considérait pourtant comme le « butin de guerre » des Algériens. Pourquoi la langue arabe ne serait-elle pas, elle aussi, un butin de guerre puisque les processus de « colonisation » sont les mêmes ? A la différence peut être que, sous la colonisation française, on ne disposait pas des mêmes cartes d’identité « françaises » que les bretons ou les corses. On était des « français-indigènes » ou « français-musulmans ». Même ceux que les Pères blancs ont réussi à convertir à la religion de « l’Amour, de la fraternité, de la paix et de la solidarité ».
L’Algérie est une avec ses diversités et pas que culturelles ou linguistiques (on dit « Zozo » à Chlef pour nommer le fil de fer…), mais aussi sociales. Il ne me semble pas productif que chacun de nous puise dans NOTRE histoire commune les éléments nécessaires, non pas pour argumenter ses dires, mais pour agresser l’ « autre », l’humilier ou le rabaisser. Et je suis dans l’incapacité de dire qui est cet « autre » puisque les statistiques relatives à la religion ou aux origines « ethniques » sont interdites en Algérie.
En revanche, une traduction d’ouvrages comme le cite si bien Kateb Yacine dans cette vidéo, la traduction de toutes les œuvres « arabophones » ou « berbérophones » dans les deux sens, la création de dictionnaire franco-tamazight mais aussi arabo-tamazight sont juste quelques exemples CONCRETS de contribution à l’essor de la culture arabo-tamazight. Beaucoup plus que les slogans « Mazalna Wakfine » ou « Je suis fier d’être Kabyle ». Des chefs d’œuvre « berbérophones » existent en matière d’écriture, de poésie, de chansons.. que l’on découvre tous les jours sur le Web. Alors pourquoi ne pas les expliquer, contribuer à les faire connaître à ceux qui n’ont pas la chance de parler ou de comprendre le « berbère ». Et inversement faire connaître, comme le font certains « berbères » décomplexés, les chefs d’oeuvre de la littérature ou de la culture « arabophone ».
On a aussi souvent tendance à occulter le fait que le « Printemps kabyle » de 1980 est devenu le « Printemps berbère » incluant de fait les chaouis, les mozabites, les touaregs, le chenoui, le chelha…. Et que la revendication n’était pas que linguistique ou culturelle au départ. Et que ce mouvement, porteur d’espérance, a été soutenu par des non-berbérophones avides de liberté d’expression et de justice mais pas que sur le plan linguistique. . Jusqu’à ce que le gouvernement de l’époque ait réussi formidablement à isoler ce mouvement de contestation et qualifier les « meneurs » de « Hizb Franssa » et d’ennemis de la Nation.
En définitive, notre histoire a été et reste mouvementée. . On a eu des victoires, mais aussi des défaites. Des progrès mais aussi des régressions. Sur tous les plans. Notre capacité à progresser dépendra de notre volonté de dépasser ces faux clivages entre « arabophones » et « berbérophones » et regarder ENSEMBLE l’avenir de NOTRE NATION ! Et pas QUE sur le plan linguistique !
Youcef L'Asnami
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