Youcef L'Asnami

-                     Bonjour M. Khalfi

-                     Bonjour Mle Safia. Ça va ?

-                     Ben non ! Je n’arrive pas à finir cette foutue thèse. Je me sens perdue. En la relisant, je me suis rendue compte que rien ne va. Ni la biblio, ni les résultats obtenus, ni la discussion…bref.. je ne sais plus quoi faire. Je sais que vous êtes très pris, mais j’aurais aimé quand même que vous puissiez m’aider M. Khalfi. Vous êtes mon encadreur officiel et je ne peux pas m’adresser à d’autres prof ou chercheurs sans votre autorisation du moins.

-                     Non ! Vous n’avez pas besoin d’aller chez les autres et j’estime que c’est mon boulot de vous conseiller et de vous soutenir. Mais c’est vrai, que je n’ai pas beaucoup de temps. Je vous rappelle que vous n’êtes pas la seule que j’encadre. J’ai aussi mes cours à faire. Bref… pas facile

-                     Oui je comprends M. Khalfi. Mais moi cette thèse me tient à cœur. Je me suis beaucoup investie et là je suis à bout. Je n’arrive plus à avancer. Blocage total. Et pour tout vous dire ce sujet que vous ‘avez proposé sur « le traitement de la paille à l’urée » n’a rien d’original. Tout a été presque dit sur ce thème et j’ai du mal à trouver des résultats originaux susceptibles d’être discutés.

-                     Vous vous trompez Mlle Safia. Il reste encore beaucoup de choses à dire sur ce thème qui concerne notre pays. La valorisation de la paille par le traitement à l’ammoniac ou à l’urée pose encore des problèmes de toxicité et l’effet sur les paramètres zootechniques, suite à leur utilisation de longue durée, reste encore en discussion. Ne vous découragez pas. Vous y arriverez.

-                     Oui mais M. Khalfi…. J’ai beau traité cette paille avec de l’urée à des doses différentes comme vous me l’avez suggéré dans le protocole. Il ne se passe rien chez nos moutons de la race Oulel Djellal ! Rien ! Ils bouffent tous pareil. Et les performances sont comparables. Alors je ne comprends plus rien. La seule chose que j’ai pu constater c’est que l’effet positif du traitement à l’urée ne se manifeste que durant les deux premières mises bas puisque au cours de la troisième mise bas, j’ai pu observer une mortalité élevée des agneaux. Il n y a pas de quoi faire une thèse là-dessus quand même. Non ?

-                     Vous avez peut-être mal dosé les quantités. Ou mal appliqué le protocole. Il doit se passer quelque chose. Et je ne vois pas pourquoi nos moutons ne réagissent pas à ce traitement alors que les moutons marocains, tunisiens et même français réagissent. Dans un sujet de recherche, il n’a pas d’obligation de résultats « spectaculaires », mais on vous jugera sur la rigueur que vous avez manifestée lors de votre travail.

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-                     De plus, vous avez bénéficié, grâce à moi, d’un stage à l’étranger. Je suis désolé que vous n’ailliez pas profiter de ce stage et êtes rentrée bredouille. Comme le font beaucoup de thésard hélas. L’Algérie investit beaucoup dans la recherche et je reconnais que les résultats ne sont pas à la hauteur de cet investissement.  Des chercheurs qui cherchent, on en trouve…..

-                     Oui… Oui .. je connais…. Et des chercheurs qui trouvent , on en cherche ! Tout le monde connait ça. Mais mon problème reste posé. Et je ne sais plus quoi faire à ce stade. Je ne vais quand même pas refaire mes expériences. La thèse est presque bouclée. Alors je vous demande de m’aider M. Khalfi. Surtout que vous avez exigé d’être premier auteur dans certaines de mes publications.

-                     Oui c’est normal que je sois le premier  auteur car c’est moi qui encadre ce travail non ? Cette pratique se fait même en France ! Je vous rappelle que j’ai fait mes études aux USA ! Et la rigueur, je connais…. Que ce soit dans mes cours ou dans mes activités de recherche.

-                     Oui je sais. Mais permettez-moi juste une petite critique M. Khalfi. Je ne garde pas un bon souvenir de vos cours et encore moins de vos évaluations. Je me souviens toujours de ce sujet bateau que vous nous proposiez en première année de Fac : « la digestion chez le ruminant ». Sans nous donner la moindre consigne quant aux réponses attendues. Je me suis alors contentée de vous rabâcher tout ce que je savais sur la digestion chez les ruminants et j’ai eu une très bonne note. Et voilà que maintenant je suis confrontée à une réalité concrète…. Et là blocage total. Ni vos cours, ni vos évaluations ne m’ont servis ! C’est ce que je regrette. J’aurais aimé, dès cette première année, que vous nous donniez des sujets de réflexion qui nous permettent de mobiliser nos connaissances théoriques et nous ouvrir à la recherche. Pas des sujets « bateau » qui ne nous aident pas.

-                     Waw !!! Oui je comprends cette remarque. Mais mes cours n’étaient qu’un repère pour vous. C’est à vous de vous forger votre propre culture sur des sujets scientifiques. Moi je ne fais qu’orienter. Comme le font beaucoup de prof ailleurs. Il ne faut pas avoir de complexe Mlle Safia. Nous ne sommes pas plus bêtes que les autres. Notre recherche soufre juste d’un manque de moyens. Mais on est en capacité de chercher, trouver et publier. C’est une question de volonté. C’est donc à vous de vous prendre en charge.

-                     Oui c’est ce que j’essaye de faire M. Khalfi. D’ailleurs j’ai contacté un labo à Montpellier qui est prêt à m’accueillir pour d’éventuels compléments d’expérience. Et c’est ce même labo qui prend en charge mon billet d’avion et mes frais de séjour. Pourrai-je compter sur votre accord pour y aller ?

-                     Non ! Il y a risque que notre travail de recherche soit détourné par d’autres chercheurs étrangers qui profitent du travail des étudiants pour l’investir dans leur  propre carrière !

-                     Mais il n y a rien d’original dans mon travail M. Khalfi. A part cet effet positif du traitement à l’urée qui ne se manifeste que durant les deux premières mises-bas. Il n y a rien d’autre. Et ce stage me permettra peut-être de voir un peu plus clair.

-                     Je vous dis que non ! Vous n’irez pas à Montpellier où je suis très connu. Vous continuerez votre travail ici.

-                     D’accord mais vous me proposez quoi alors pour avancer dans ma thèse ?

-                     De changer de race de moutons ! Puisque la Ouled Djellal ne réagit pas à la complémentation de l’Urée.

Safia ! en son for intérieur. « J’en étais presque sûre. M. Khalfi est bien du RCD ! »